Interview issue du dossier « Et si les études marketing étaient une arme anti-crise ? » de Market Research News. Reproduite avec l’autorisation de Market Research News. © Market Research News.
Market Research News : La crise a-t-elle modifié la demande des annonceurs ?
Michaël Bendavid : Ce qui est assez frappant dans un contexte de crise, c’est que les budgets études chez les annonceurs sont stables ou en décroissance alors même que le nombre de problèmes à régler est croissant : il faut redynamiser les ventes, mettre sur le marché des nouveaux produits ou services, maintenir ses parts de marché etc… Souvent la tentation est de faire plus (d’études) avec moins (de budget). Evidemment ce slogan, utilisé par de nombreux CEO pour inviter les équipes à redoubler d’efforts dans les périodes difficiles, repose sur une formule vide de sens, qui ne marche pas : quand on a moins de budget, il faut faire moins d’études.
Une des vertus des crises (qui restent des situations désagréables) est précisément de re-questionner le bien fondé de certaines pratiques. Et de concentrer les moyens sur des études utiles.
Et précisément, quelles sont les études, les thématiques de recherche qui seraient à privilégier ?
Personnellement, je vois 3 sujets prioritaires en situation de crise, la priorité étant naturellement à moduler en fonction des contextes.
La question de l’optimisation de la dépense marketing est importante. Et elle est clé dans des activités où les budgets de publicité et de promotion sont très élevés. Avec la crise, la nécessité se renforce de geler, de réallouer ou de couper une part des dépenses. Les annonceurs ne disposent que rarement d’une vision claire de l’efficacité des actions marketing : les coupures ne reposent donc pas toujours sur du rationnel. Il existe pourtant des approches d’études permettant d’analyser le ROI des actions et la contribution des actions au capital de la marque. Les bénéfices de ces approches sont tangibles à court-terme ; ils permettent également d’assainir les budgets marketing et d’ouvrir un débat constructif sur la synergie des moyens.
Après, je dirais la stratégie prix, surtout dans des secteurs où la pression sur les prix est importante, comme l’agro-alimentaire par exemple.
Bien que le prix soit unanimement reconnu par les responsables marketing comme un élément clé du mix, il s’agit à coup sûr de la variable la moins étudiée. Il est vrai que le prix reste un élément délicat à optimiser, principalement parce que le déclaratif des consommateurs est difficile à interpréter.
Pourtant l’analyse conjointe fournit une réponse satisfaisante. Notamment les modèles les plus récents qui ont gommé la lourdeur des protocoles de collecte de l’information. Appliquée au prix, cette méthode permet de mesurer l’évolution de la demande pour un produit ou un service quand on fait varier son prix. Enfin, l’analyse conjointe permet de simuler différents scénarios de marché reposant sur des hypothèses de positionnement de prix de la marque étudiée et des hypothèses sur les réactions prévisibles de la concurrence. La détection du positionnement prix optimal constitue pour les responsables marketing une opportunité pour tirer le meilleur avantage d’une situation de crise.
Le troisième sujet, c’est l’innovation ?
Exactement.
Si les deux premiers sujets sont ‘défensifs’, il nous paraît essentiel de dédier des ressources significatives en direction de l’innovation. On parle ici de la recherche d’innovations radicales, « franches », par opposition à des rénovations ou des extensions de gamme qui fonctionnent de moins en moins bien, surtout en situation de crise.
Les périodes de crise sont souvent des moments de remise en question profonde pour le consommateur : ré-évaluation de ses choix de consommation, limitation des dépenses, recherche de ‘bonnes affaires’, etc.. Cette perte de repères crée chez les consommateurs une aspiration à retrouver un nouvel équilibre : pour les annonceurs, la capacité à proposer des offres innovantes reste absolument décisive pour une sortie de crise réussie. Compte-tenu des délais de développement et de la difficulté à créer des offres divergentes, des moyens doivent être engagés rapidement dans des processus d’innovation ambitieux.
C’est une question objectivement difficile, que de parvenir à ces innovations « franches », « radicales », mais notre conviction est que ça vaut vraiment le coup d’y consacrer des ressources pour un annonceur. Le risque à ne pas le faire étant de s’enfermer dans des cycles non-vertueux, avec des produits à cycles de vie de plus en plus courts, et des volumes (de vente) de plus en plus décevants. Pour nous (Strategic Research), cette question de l’innovation « de rupture » est en tout cas une thématique de recherche majeure, qui nous paraît clé pour les annonceurs et qui nous passionne vraiment !
Interview issue du dossier « Et si les études marketing étaient une arme anti-crise ? » de Market Research News. Reproduite avec l’autorisation de Market Research News. © Market Research News.